Bourse attribuée au Docteur GRITTI Angela, unité de thérapie génique/thérapie cellules souches (...)
Lors du dernier congrès annuel de l’EBMT (European Society for Blood and Marrow Transplantation) qui s’est tenu fin mars, le laboratoire Orchard Therapeutics a présenté les résultats de l’essai clinique de phase 1-2 d’un traitement par thérapie génique ex vivo dans la Leucodystrophie Métachromatique.
Cette étude, débutée en avril 2010, a impliqué 20 malades. Au moment de l’inclusion, neuf enfants avaient une forme infantile tardive pré-symptomatique (n’exprimant encore aucun symptôme) et onze enfants avaient une forme juvénile précoce pré-symptomatique ou exprimant depuis peu les premiers signes de la maladie. Parmi les onze enfants avec la forme juvénile précoce, deux enfants symptomatiques au moment du traitement sont décédés au cours de l’étude à cause de l’évolution très rapide de la maladie.
L’évolution clinique des enfants traités est comparée à l’histoire naturelle de la maladie d’une cohorte de 31 enfants similaires.
Mené en Italie à l’hôpital San Raffaele - Institut Téléthon pour la thérapie génique (OSR-TIGET), les objectifs premiers de l’étude étaient de montrer à 2 ans post-traitement une amélioration de 10% de la fonction motrice globale (GMFM) ainsi qu’une augmentation significative de l’activité enzymatique résiduelle, et d’évaluer l’innocuité (qui ne provoque pas d’effets néfastes) et la tolérance au traitement. Des objectifs secondaires étaient également fixés dont l’absence d’une réponse immune contre les cellules modifiées et d’obtenir à 2 ans, 2,5 ans et 3 ans post-traitement une mesure du quotient intellectuel au-dessus de 55.
Le communiqué de presse, publié par le laboratoire au lendemain de la présentation des résultats faite au congrès indique que, pour les enfants ayant la forme infantile tardive, la fonction motrice globale observée est de 72.5% à 2 ans post traitement et 73.9% à 3 ans post traitement alors que l’histoire naturelle enseigne que pour des enfants similaires la force motrice globale est de 7.4% et 2.4% respectivement. Pour les enfants juvéniles précoces traités, la force motrice globale mesurées est de 76.5 et 71.7% à 2 et 3 ans post-traitement. En comparaison, l’histoire naturelle d’enfants identiques, indique une mesure de la force motrice globale de 36.6% et 31.3%.
Ainsi, dans cette étude, le traitement a permis d’obtenir une différence significative de la force motrice globale de + 65.1 % et + 71.5% à 2 ans et 3 ans post-traitement pour le groupe d’enfants traités ayant une forme infantile tardive et de + 39.8% et + 40.5% pour le groupe d’enfants traités ayant une forme juvénile précoce par rapport à la cohorte d’enfants malades similaires non traités.
De même, le communiqué indique que l’activité enzymatique est retrouvée dans le système hématopoïétique de tous les enfants traités avec une normale atteinte à 3 mois post-traitement et qui reste stable durant toute la période du suivi (entre 3 et 7.5 ans au moment de l’analyse des résultats). Le traitement a été bien toléré et montre un profil bénéfice/risque positif.
Les changements observés sur les IRM du cerveau des enfants traités suggèrent que le traitement retarde, stabilise ou prévient la progression de l’atrophie et de la démyélinisation des cellules du cerveau. A un âge où les enfants malades montrent des troubles cognitifs important, la performance cognitive des enfants traités se maintient autour de la normale pour la plupart des enfants traités.
Le laboratoire indique devoir compléter le développement de cette étude et envisage de déposer un dossier de demande d’autorisation de commercialisation auprès de l’agence européenne du médicament en 2020.
juin 2019
La leucodystrophie métachromatique est une maladie neurodégénérative caractérisée par une accumulation de sulfatides (glycolipides sulfatés, particulièrement les sulfogalactosylcéramides ou sulfogalactocérébrosides). Cette accumulation se produit dans le système nerveux, mais aussi dans les reins. Il existe trois formes de la maladie : infantile tardive, juvénile et adulte.
L’incidence est estimée de 0,5 à 1/50 000 (forme infantile tardive 60 %, forme juvénile 20 à 30 %, forme adulte 10 à 20 %). La prévalence est estimée à 1 cas sur 625 000.
La forme infantile tardive est la plus fréquente. Elle débute à l’âge de la marche. L’enfant présente une hypotonie, des troubles de la marche, une atrophie optique, une régression motrice précédant l’atteinte intellectuelle. L’atteinte du système nerveux périphérique est constante (diminution de la vitesse de conduction nerveuse). La maladie évolue vers une décérébration en quelques années, le décès survenant dans les cinq ans après le début des symptômes. Il faut rechercher systématiquement des signes de surcharge en sulfatides principalement dans les urines (sulfatidurie).
La forme juvénile débute vers 4-5 ans par un arrêt des performances intellectuelles puis une régression des acquisitions motrices, des crises d’épilepsie, une ataxie. La progression est moins rapide que dans la forme infantile, mais l’issue est toujours fatale, la plupart des patients décédant avant l’âge de 20 ans.
La forme de l’adulte peut débuter vers l’âge de 15 ans mais le diagnostic n’est souvent fait qu’à l’âge adulte. Elle se manifeste soit par des troubles moteurs, soit par des manifestations psychiatriques. Les crises d’épilepsie peuvent être l’un des symptômes. La sulfatidurie est présente mais moins marquée que dans les formes plus précoces. L’évolution de cette forme est nettement plus lente.
La leucodystrophie métachromatique se transmet sur le mode récessif autosomique et résulte de l’incapacité du malade à cataboliser le cérébroside sulfate. L’enzyme déficiente est dans la plupart des cas une arylsulfatase A, dont le gène a été localisé sur le chromosome 22 (22q). Dans la forme infantile, il existe un déficit très important, voire une absence d’activité de l’arylsulfatase A. Dans la forme juvénile, le déficit enzymatique et la sulfatidurie sont moins importants mais toujours présents. Dans la forme adulte, en revanche, il existe une activité résiduelle de l’enzyme. Dans de rares cas, des mutations du gène SAP-B, localisé sur le chromosome 10 (10q21-22), ont été décrites. Le SAP-B est l’activateur de l’enzyme nécessaire à l’hydrolyse des sulfatides. Les mutations sont responsables d’une leucodystrophie métachromatique avec déficit en activateur, maladie dont le tableau clinique est celui d’une leucodystrophie métachromatique classique infantile ou juvénile. Dans ce cas, l’arylsulfatase A est normale, mais la surcharge en sulfatides est présente. Le dépistage des hétérozygotes et le diagnostic prénatal sont possibles. Il n’y a pas de traitement spécifique pour cette maladie. Chez les individus atteints d’une forme infantile tardive ou d’une forme juvénile de la maladie asymptomatique, une greffe de moelle osseuse peut être envisagée pour stabiliser les fonctions neurocognitives, mais sans garantie d’efficacité. La thérapie enzymatique substitutive est à l’étude et un essai clinique en thérapie génique doit débuter en 2013.
Auteurs : Prs N. Baumann et J-C. Turpin (avril 2006).